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GRAND PRIX PHOTO SAINT-TROPEZ 2025 : MANUEL BESSE, L’ART AU SERVICE DU CŒUR

Photo du rédacteur: Pénélope FiorindiPénélope Fiorindi

Portrait iconique de Manuel Besse en noir et blanc d’un homme aveugle aux cheveux ébouriffés et main sur le visage, extrait de la série 'Farewell Rio', lauréate du Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025.
Photographie réalisée par Manuel Besse, figurant dans la collection lauréate du Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025

Le Grand Prix Photo de Saint-Tropez : Une Référence Internationale


Depuis plus d’une décennie, le Grand Prix Photo de Saint-Tropez s’impose comme l’un des concours les plus prestigieux du paysage photographique international. Créé en 2013, il est devenu un véritable tremplin pour les photographes contemporains, en mettant en lumière des artistes dont le regard transcende l’image pour interroger le monde parce que “tout est possible”, thématique imposée pour cette onzième édition.


Réunissant chaque année des talents émergents et confirmés, le Grand Prix Photo de Saint-Tropez se distingue par :

  • Son exigence artistique : une sélection rigoureuse où l’émotion, la maîtrise technique et la narration visuelle priment.

  • Son jury d’exception, composé de photographes de renom, de directeurs artistiques et d’experts en arts visuels.

  • Son engagement humanitaire, en partenariat avec Mécénat Chirurgie Cardiaque, permet à la photographie de dépasser le cadre artistique pour sauver des vies.



L’Art au Service d’une Noble Cause  : Un Engagement pour de Mécénat Chirurgie Cardiaque


Chaque édition du Grand Prix Photo s’inscrit dans une démarche solidaire en reversant les fonds issus des ventes aux enchères des photographies lauréates à Mécénat Chirurgie Cardiaque. Cette association française, fondée en 1996 par le Professeur Francine Leca et Patrice Roynette, permet à des enfants atteints de malformations cardiaques de pays défavorisés d’être opérés en France lorsque l’accès aux soins est impossible dans leur pays d’origine.


Grâce aux éditions précédentes du concours, plusieurs centaines de milliers d’euros ont été collectés, contribuant directement à financer des opérations vitales pour ces enfants. En 2024, par exemple, la vente aux enchères des photographies primées a permis de récolter 72 000 euros, ce qui a permis à six enfants de bénéficier d’une opération chirurgicale


Depuis sa création, le Grand Prix Photo de Saint-Tropez a sauvé 85 enfants et collecté 350 000 € au profit d'œuvres humanitaires. Ces fonds sont reversés à l'association Mécénat Chirurgie Cardiaque, qui a pris en charge plus de 5 000 enfants depuis sa création en 1996.



"Jury du Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025 : Francis Dagnan (Studio Harcourt), Hans Silvester, Kyriakos Kaziras, Roch Lorente, Bob Swaim, Didier Bizos, Patrick Baradel, David Attal, Anne Méaux, Cyrielle Gendron, Sébastien Corlouer et Delphine Piovant.
Jury du Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025

Un Jury Prestigieux au Service de l’Excellence Photographique


Chaque année, le Grand Prix s’entoure de figures majeures du monde de la photographie pour composer son jury. Cette année encore, le jury rassemble des figures majeures du monde de la photographie et de l’image, choisies pour leur expertise et leur engagement artistique, parmi lesquels :

  • Francis Dagnan, Président du jury, du studio Harcourt et photographe.

  • Hans Silvester, parrain du Grand Prix Photo, photographe et militant écologiste.

  • Kyriakos Kaziras, invité d’honneur et photographe animalier franco-grec.

  • Roch Lorente, Ambassadeur du Grand Prix Photo.

  • Bob Swaim, réalisateur, scénariste et acteur américain.

  • Didier Bizos, photographe français spécialisé dans la photographie culinaire.

  • Patrick Baradel, fondateur de l’Atelier Image Collée.

  • David Attal, consultant.

  • Anne Méaux, Présidente de l’Agence Image 7.

  • Cyrielle Gendron, Directrice de la rédaction chez Photo Magazine.

  • Sébastien Corlouer, product marketing manager chez Canon.

  • Delphine Piovant, Fondatrice de l’Atelier D Images.


Le rôle du jury ne se limite pas à élire un vainqueur : il participe activement aux échanges autour de la photographie contemporaine et à la mise en lumière des talents émergents.



Farewell Rio : Un Regard Brûlant sur les Invisibles de la Cité Merveilleuse


Une série primée au regard humaniste


Parmi les œuvres présentées cette année au Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025, la série Farewell Rio de Manuel Besse s’est imposée avec force, remportant la catégorie Premium Class.

Composée de neuf portraits en noir et blanc, cette collection photographique capture la rudesse et la dignité des laissés-pour-compte de Rio de Janeiro, ville de contrastes extrêmes où coexistent luxe et précarité.


Avec Farewell Rio, Manuel Besse poursuit son exploration des marges, celles dont le quotidien est souvent effacé du récit officiel des métropoles. Ses images ne documentent pas seulement une réalité sociale brutale ; elles incarnent un témoignage profondément humain, une immersion percutante au cœur du réel, où chaque ride, chaque regard, chaque ombre racontent une histoire. Cette 11e édition célèbre une collection d’images saisissantes, appelées à captiver le regard du public et à éveiller l’intérêt des enchérisseurs.



Portrait en noir et blanc d’un homme aux traits marqués, regard levé et fermé, issu de la série 'Farewell Rio' de Manuel Besse, lauréate du Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025.
Photographie de Manuel Besse, intégrant la collection des neuf images lauréates du Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025

Rio de Janeiro : Entre Splendeur et Inégalités, Une Ville à Deux Visages


Rio de Janeiro, capitale culturelle du Brésil, est une ville mondialement connue pour sa beauté naturelle, sa géographie exceptionnelle et son effervescence culturelle. Néanmoins, derrière les cartes postales des plages d’Ipanema et de Copacabana, Rio est aussi un symbole des disparités sociales les plus marquées au monde.


Quelques chiffres clés sur la réalité sociale de Rio de Janeiro (données récentes)


  • Population : environ 6,7 millions d’habitants (2024), avec une région métropolitaine atteignant 13 millions.

  • Inégalités : Rio est la ville la plus inégalitaire du Brésil selon l’IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistique).

  • Précarité : environ 1,4 million de personnes vivent dans les favelas, soit 20 % de la population de la ville.

  • Taux de chômage : En 2024, le taux de chômage au Brésil était de 6,1 %, mais il atteignait 8,5 % à Rio de Janeiro, avec des écarts marqués selon les quartiers. Les zones défavorisées enregistrent des taux bien plus élevés, renforçant les inégalités structurelles de la ville. De plus, une étude réalisée en 2021 a révélé que près de 80 % des personnes sans domicile fixe à Rio de Janeiro étaient des personnes noires ou métisses, reflétant les inégalités raciales persistantes dans la ville. 

  • Violence urbaine : 2023 a vu plus de 4 500 homicides dans l’État de Rio, un chiffre en baisse, mais toujours préoccupant. Entre janvier et juillet 2024, une augmentation des crimes contre la propriété a été observée dans l'État de Rio de Janeiro 

  • Les vols de rue ont augmenté de 10,53 %.

  • Les vols de véhicules ont connu une hausse de 23,32 %.

  • Les vols de téléphones portables ont grimpé de 39,49 %.

  • Tourisme : Rio de Janeiro reste une destination phare, accueillant près de 1,5 million de touristes internationaux chaque année.


Ces contrastes saisissants sont au cœur de la photographie urbaine et expliquent pourquoi Rio fascine tant les photographes et les artistes contemporains.



Un Travail Photographique Puissant et Immersif


La série Farewell Rio ne cherche pas à embellir ou à dramatiser. Manuel Besse adopte une approche immersive, captant des portraits poignants où chaque détail traduit une vie marquée par l’expérience, la lutte, mais aussi la résilience.


Les caractéristiques visuelles et artistiques de la série :

  • Un noir et blanc intense qui magnifie les textures de la peau et des visages.

  • Des jeux de lumière tranchés, accentuant les reliefs des traits et la profondeur des expressions.

  • Une proximité troublante, avec des cadrages serrés et des compositions épurées qui mettent en valeur l’émotion brute.

  • Un contraste social omniprésent, où l’ombre et la lumière deviennent des symboles des disparités urbaines.


Chaque image de la série offre un témoignage silencieux – une présence marquante – qui défie le regard du spectateur.


Farewell Rio, série lauréate du Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025 par Manuel Besse, capturant l’invisibilité sociale à Rio
Photographies lauréates dans la catégorie professionnelle "Premium Class" du Grand Prix Photo 2025 – Manuel Besse

Des Œuvres d’Exception Vendues au Profit de Mécénat Chirurgie Cardiaque – Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025


Comme chaque année, les photographies primées du Grand Prix Photo de Saint-Tropez seront vendues aux enchères, et l’intégralité des fonds sera reversée à l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque.


  • La remise des Prix aux Lauréats du Concours ” Tout est possible ” aura lieu le vendredi 30 mai 2025, à Saint-Tropez, en présence des membres du Jury et des partenaires du concours

  • Lieu et date de la vente aux enchères aura lieu place des Lices, Salle Jean Despas à Saint-Tropez, le samedi 31 mai 2025.

  • Prix estimés des œuvres : Certains tirages peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros, en fonction des enchères.

  • Impact des ventes : Chaque vente finance directement des opérations chirurgicales pour des enfants atteints de malformations cardiaques.


Grâce à cet événement, Farewell Rio ne sera pas seulement une série photographique d’exception, mais aussi un vecteur d’espoir et de solidarité concrète.




Manuel Besse : Plongée au Cœur de Farewell Rio


Pénélope Fiorindi : Votre série Farewell Rio a remporté la catégorie Premium Class du Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025. Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous ?


Manuel Besse : C’est une immense reconnaissance. Le Grand Prix Photo de Saint-Tropez est un concours qui, au fil des années, s’est imposé comme une référence pour les photographies d’auteur. Recevoir ce prix, qui conjugue exigence artistique et engagement humanitaire, me touche particulièrement. Ce qui me comble encore davantage, c’est de savoir que mon travail peut avoir un impact concret au-delà du cadre artistique. Grâce au partenariat avec Mécénat Chirurgie Cardiaque, la vente aux enchères des œuvres primées permet de financer des opérations vitales pour des enfants atteints de malformations cardiaques, issus de pays où l’accès aux soins est impossible.


Par ailleurs, l’idée que mes photographies puissent non seulement témoigner d’une réalité sociale, mais aussi contribuer à sauver des vies, donne une dimension encore plus profonde à cette récompense. Dans ce contexte, la photographie ne se limite pas à un regard, elle devient un vecteur d’action, une passerelle entre l’art et la solidarité.


Mon travail s’ancre dans une démarche documentaire, et voir une série comme Farewell Rio primée me conforte dans l’idée que la photographie a un rôle essentiel à jouer : celui de témoigner, d’interpeller, et parfois même, de réparer. Je suis également fier, en tant que Tropézien d’adoption, ayant vécu dans le golfe de Saint-Tropez et passé de nombreux étés chez mes grands-parents à Ramatuelle lorsque j’étais enfant, de représenter, pour la première fois, Saint-Tropez sur ses propres terres.


Pénélope Fiorindi : Pourquoi avoir choisi Rio de Janeiro comme sujet central de cette série ?


Manuel Besse : Rio est une ville fascinante. Son histoire, son architecture, ses inégalités… Tout y est matière à raconter. J’avais déjà travaillé sur des grandes métropoles comme New York ou Los Angeles, mais Rio possède une lumière et une tension urbaine uniques. Ce qui m’a marqué, c’est l’omniprésence des contrastes : l’éclat des quartiers touristiques face à l’extrême précarité des périphéries, la vitalité des rues opposée à l’invisibilité sociale. En photographiant Rio, je voulais capturer ce dialogue permanent entre grandeur et abandon.


Mais plus encore, je voulais mettre en lumière les invisibles. Ce qui m’a toujours frappé, dans les rues de Rio comme ailleurs, c’est que ceux que l’on considère comme absents du récit officiel sont pourtant ceux qui absorbent toute la lumière. Les ombres de la ville ne les cachent pas, elles les soulignent.  Rio est une ville où l’on danse même sous la pluie, où le rire cohabite avec la fatigue, où la misère côtoie une force de vie extraordinaire. C’est ce paradoxe qui m’a toujours fasciné dans la culture brésilienne : cette capacité à transformer la douleur en résistance, en musique, en célébration.


D’ailleurs, mon amour du Brésil ne date pas d’hier. Enfant, j’étais captivé par les récits des Cangaceiros et de Maria Bonita, cette femme rebelle devenue une figure légendaire du Nordeste brésilien. Les histoires de ces hors-la-loi, résistants face à l’oppression, ont nourri mon imaginaire et ont forgé ma perception du Brésil bien avant que je ne foule son sol pour la première fois en 1982. Ces récits m’ont appris que les figures de l’ombre sont souvent celles qui portent le plus de lumière.


C’est ce que j’ai retrouvé dans les rues de Rio : une beauté brute, une force sourde qui ne cherche pas à plaire, mais qui existe avec puissance. J’ai voulu capter cette énergie dans Farewell Rio, montrer que l’invisible ne l’est que pour ceux qui ne prennent pas le temps de regarder. D’une certaine manière, photographier Rio, c’était rendre hommage à cette part du Brésil qui m’a toujours fasciné : celle des oubliés, des résistants, de ceux qui avancent sans faire de bruit, mais qui façonnent pourtant l’âme du pays.


Pénélope Fiorindi : Comment avez-vous abordé la réalisation de cette série ? Aviez-vous une méthode spécifique ?


Manuel Besse : Mon approche repose sur l’immersion totale. Je passe beaucoup de temps dans les rues avant même de sortir mon appareil photo. Je cherche à comprendre la dynamique des lieux, à ressentir l’énergie de la ville.


J’ai privilégié un cadrage serré et un noir et blanc puissant, non pas pour esthétiser la misère, mais pour accentuer l’intensité des visages. J’ai également travaillé en lumière naturelle, souvent en contre-jour, pour jouer sur la dualité entre ombre et éclat, un peu comme Rio elle-même. Chaque ville a son propre langage visuel, et à Rio, ce langage est intense, frontal. Rien n’est feutré ici, ni la fête, ni la misère, ni la beauté.


Photographier à Rio de Janeiro en tant qu’étranger, blanc, aux yeux clairs, c’est entrer dans un espace où le regard est immédiatement capté, où l’on ne peut jamais être totalement invisible. Cette présence étrangère peut ouvrir des portes comme en fermer. Il y a une méfiance légitime, notamment dans les quartiers les plus précaires, vis-à-vis du photographe venu chercher une image choc avant de repartir. On se demande qui vous êtes, pourquoi vous êtes là, ce que vous allez faire de ces images.


Mais il y a aussi des moments incroyables, des scènes de tendresse et de partage, où l’appareil devient un prétexte pour créer du lien. Il suffit parfois d’un sourire, d’un échange sincère, d’un regard qui dit : Je te vois vraiment. Certains s’ouvrent avec une confiance immédiate, d’autres racontent des bribes de leur vie, me demandent si je peux leur montrer les photos. Dans ces moments-là, la photographie devient un acte réciproque.


D’autres fois, la tension est palpable. J’ai vécu des scènes où l’acte de photographier était perçu comme une intrusion, une menace, où il fallait ranger l’appareil, montrer qu’on n’est pas là pour voler quoi que ce soit. Il y a une ligne fine entre témoigner et exposer, entre capturer une réalité et risquer de la trahir. J’ai toujours une question en tête avant d’appuyer sur le déclencheur : Si cette personne voyait cette image, se reconnaîtrait-elle avec dignité ? Si la réponse est non, je ne la prends pas.


À Rio, je voulais montrer les invisibles sans jamais les réduire à leur condition, révéler leur présence et non leur détresse. Car ceux qui sont dans l’ombre ne sont pas absents de la lumière, au contraire, ils l’incarnent.


Pénélope Fiorindi : Parmi les neuf images de Farewell Rio, y en a-t-il une qui vous marque plus que les autres ?


Manuel Besse :Absolument. Il y a une photographie en particulier qui continue de me hanter. Pas pour ce qu’elle montre, mais pour ce qu’elle hurle en silence. L’homme est là, figé dans le noir et blanc, sculpté par le temps comme une ruine vivante. Aveugle. Il ne voit rien, rien du tumulte qui l’englobe, rien de nous qui l’observons, rien de la lumière qui lacère son visage comme une fresque d’un autre siècle. Il est coupé du monde, exilé dans sa propre obscurité.


De l’image que j’ai réalisée, il ne sait rien. Rien d’autre que les mots, ma voix – qui lui en fait l’écho. Il ne connaîtra jamais l’ombre qui caresse sa peau sur le tirage, ni la force magnétique de son regard blanc projeté sur nous. Il existe désormais sous ce regard figé, suspendu entre le néant et l’éternité du papier.

Et nous, nous voyons. C’est là tout le drame. Nous avons la vue, ce don fabuleux que nous gaspillons chaque jour à ne pas voir. Nous marchons, nous traversons les rues, les visages, les âmes, et nous ne regardons rien. Nous passons à côté de ces êtres sans jamais les voir, jusqu’à ce qu’un objectif les ressuscite en un clic.


Lui, il nous devine sans nous voir. Son regard blanc, vidé, flotte dans le vague. Sa main est là, posée sur son visage, comme si elle voulait palper le vide, s’assurer qu’il existe encore. Il touche ce que nous, nous ne prenons même plus le temps d’effleurer. Il vit dans l’ombre et nous, dans la lumière, nous confirmons notre cécité volontaire.


Sa peau, crevassée comme une terre desséchée, raconte des histoires qu’il ne nous dira jamais. Ses cheveux en bataille, fous, sont des éclats de tempête figés dans un instant de grâce tragique. Et ces bagues, là, sur ses doigts tordus, comme les derniers vestiges d’un passé révolu – d’une époque où il possédait peut-être quelque chose, quelqu’un. Nous avons la vue. Lui non. Mais qui est le plus aveugle, finalement ? Lui, dans sa nuit permanente, ou nous, noyés dans un monde que nous ne savons plus regarder ?


Pénélope Fiorindi : Quel rôle la photographie joue-t-elle, selon vous, dans la perception des inégalités sociales ?


Manuel Besse : La photographie peut éveiller, révéler, parfois bousculer. Mais je suis conscient que montrer ne suffit pas. Mon but n’est pas d’exploiter une réalité brutale pour en produire un simple objet esthétique. Avec Farewell Rio, j’ai voulu questionner le regard du spectateur. En regardant ces visages, ces regards, ces expressions, il devient impossible de détourner les yeux. Il y a un lien immédiat, une confrontation silencieuse qui amène à se demander : et si c’était moi ?


Pénélope Fiorindi : Vous avez exploré des réalités similaires à New York, Los Angeles et d’autres grandes métropoles. En quoi Farewell Rio s’inscrit-elle dans l’ampleur de votre œuvre et enrichit-elle votre regard sur l’invisibilité urbaine ?


Manuel Besse : Toutes mes séries réalisées dans des mégapoles traitent d’un même sujet : l’invisibilité sociale dans les grandes villes, cette fracture entre ceux que l’on regarde et ceux que l’on ignore. Chaque métropole a ses propres codes, ses propres dissonances.


À New York, l’isolement est feutré, silencieux, dissimulé derrière les façades impeccables de Manhattan, sous l’éclat trompeur des lumières de Broadway. L’indifférence est une habitude sociale. L’invisible est là, mais dissout dans une foule qui avance sans s’arrêter.


À Los Angeles, l’exclusion se disperse, éclatée sur des kilomètres, repoussée dans des marges sans fin. Skid Row, avec ses rues surpeuplées de tentes et d’ombres humaines, incarne cette ville qui cache sa misère en l’exilant dans son propre labyrinthe urbain.


À Rio, c’est encore différent. L’inégalité ne se cache pas, elle s’expose. Il n’y a pas de barrières invisibles, tout est frontal. Les favelas surplombent les quartiers riches, le luxe côtoie la précarité dans une cohabitation établie, néanmoins marquante. Ici, l’invisible est visible à tous, et pourtant, personne ne le regarde vraiment.


Farewell Rio s’inscrit dans cette démarche, mais avec une intensité particulière. Rio ne triche pas. Elle criedévoile ses blessures au grand jour, avec une énergie paradoxale, un mélange de douleur et de vitalité. Contrairement à New York ou Los Angeles, Rio ne maquille rien. C’est une ville qui, même dans ses silences, hurle la vérité de ceux qui la peuplent.


Pénélope Fiorindi : Les tirages de Farewell Rio seront bientôt mis aux enchères au profit de l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque. Quel est votre sentiment sur cette démarche ?


Manuel Besse : C’est une dimension qui donne encore plus de sens à mes travaux. L’idée que ces images puissent non seulement témoigner, mais aussi avoir un impact réel, sauver des vies… est une boucle vertueuse qui me ravi. Chaque tirage vendu contribue directement à financer des opérations cardiaques pour des enfants. En tant que photographe, c’est un honneur de voir mon travail servir une cause vitale.


Pénélope Fiorindi : Après le succès de Farewell Rio, quels sont vos projets futurs ?


Manuel Besse : Dans trois semaines, je repars au Brésil pour entamer trois nouveaux projets. Après avoir énormément travaillé le noir et blanc et ses nuances de gris, j’ai envie d’explorer d’autres dimensions de la ville, d’autres narrations visuelles. Cette fois-ci, je veux que la couleur prenne toute sa place. Elle est partout à Rio : dans la mer qui change de tonalité selon les heures, dans les murs couverts de graffitis, dans les vêtements des passants, dans la lumière incandescente qui redessine la ville à chaque instant. Je veux capter cette vibration chromatique, voir comment elle interagit avec l’énergie urbaine.


Je m’intéresserai aussi aux surfers, ces silhouettes suspendues entre ciel et océan, aux corps qui dansent avec les vagues, qui s’effacent et renaissent sous la mousse blanche à Arpoador. Et puis Ipanema le dimanche, où les sportifs envahissent la route à double sens, fermée pour eux. Il y a une dimension presque chorégraphique dans ces mouvements de masse, cette ville qui semble, pour quelques heures, basculer dans un autre rythme, plus fluide, plus libre, plus organique.


Un autre projet m’obsède depuis longtemps, mais je préfère encore le garder secret. Certains travaux ont besoin de rester dans l’ombre avant d’exister pleinement.



Portrait en noir et blanc d’un vieil homme barbu au regard perçant, cheveux balayés par le vent, extrait de la série 'Farewell Rio' de Manuel Besse, lauréate du Grand Prix Photo Saint-Tropez 2025.
Photographie figurant dans la série lauréate du Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025

Farewell Rio : Une Œuvre Photographique Qui Engage et Qui Marque


À travers Farewell Rio, Manuel Besse offre bien plus qu’une série photographique : il immortalise un pan de la réalité urbaine, avec une intensité qui interpelle.  Il extrait des âmes de l’oubli. Il fait exister ceux que l’on ne voit plus. : il impose des présences, il oblige à voir. La ville est là. Les corps sont là. Regardez-les. 

On pourrait croire à une démarche documentaire, une captation brute de la réalité urbaine. Mais c’est plus que cela. Ces visages, ces regards déchirants, ce ne sont pas juste des témoins, ce sont des sentinelles. 


Ils nous jaugent, nous évaluent, nous interrogent. Qu’as-tu fait de ton regard ? Que fais-tu du monde que tu traverses ? En intégrant le Grand Prix Photo de Saint-Tropez 2025, Farewell Rio ne se contente pas d’être un projet artistique. Grâce à la vente aux enchères caritative, ces clichés deviennent des vecteurs de changement, prolongeant leur impact au-delà du cadre photographique. La photographie sociale n’a jamais eu pour rôle de consoler ou de magnifier. Elle n’est pas là pour raconter des histoires édulcorées, encore moins pour flatter l’œil du spectateur.


Elle est là pour percuter, déranger, troubler. Une bonne image sociale ne doit pas laisser indifférent. Elle doit coller aux tripes, hanter, déranger jusqu’à ce que l’on n’ait plus d’autre choix que de s’y confronter. C’est ce que fait Farewell Rio. La série ne montre pas la misère, elle expose la puissance d’exister malgré tout. Ce n’est pas un recueil de souffrances, c’est un mur dressé contre l’indifférence. Car ces hommes et ces femmes, abandonnés aux marges du monde, absorbent encore la lumière. Et cette lumière ne s’éteint pas une fois l’exposition terminée.


Grâce à la vente aux enchères caritative du Grand Prix Photo de Saint-Tropez, ces images ne sont pas juste contemplées, elles agissent. Elles deviennent un levier, un mouvement, un passage de témoin entre l’art et le réel. Chaque tirage vendu finance une opération chirurgicale, répare un cœur défectueux, prolonge une vie. Ce n’est pas qu’une photographie. C’est une empreinte, une cicatrice laissée sur le monde, une brûlure qui rappelle que personne ne disparaît vraiment tant que quelqu’un le regarde.



Suivez le travail de Manuel Besse et plongez dans son univers photographique :

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Site officiel :🌍 www.manuelbesse.com 

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